LABORATOIRE 2003-2004
“ Ne rien se refuser ”.
Une cacophonie de formes, de couleurs dans de petits formats juxtaposés et superposés les uns aux autres comme d’un seul tenant, un seul tableau. Un tableau aux particules multiples, dont la diversité picturale perturbe la lecture de l’œuvre et le dégagement a priori de son sens.
“ Ne rien se refuser ”, tel est la directive que s’est imposée Jacques Morhaïm au commencement de ce “laboratoire” des formes. Une manière pour lui de continuer à se questionner en tant que peintre dans son rapport à la peinture et au monde. Cette œuvre se veut comme une rupture. Casser sa position précédente quant au tableau qui relevait de la règle, de la loi : composer le contenu du tableau à partir d’éléments géométriques et de couleurs déterminés par le hasard du tirage au sort. Le hasard comme règle en quelque sorte. Il décide “ de dérégler et de dynamiter l'ancienne machine avec l'intention d'en fabriquer une nouvelle. Une machine qui soit imprévisible et subversive, d'une grande liberté pour faire face au monde et exprimer une singularité. ” (Jacques Morhaïm). Il s’agit alors de casser le système de l’ancien tableau, de casser la géométrie, de se permettre un retour à l’image, au geste, où l’intuition et l’aléa se substituent au hasard “maîtrisé”. La systématisation fait place à l’hétérogénéité des formes abstraites ou figuratives. Seule règle, mais considérée cette fois comme élément homogène de l’ensemble, le choix du format : 22 cm de hauteur par 16 cm de largeur. L’accrochage propose l’ensemble comme “ un tableau ” inachevable : 126 tableaux qui ne font qu’un de par l’effet premier de planéité. Puis à l’approche du tableau, la découverte des formes d’une peinture qui n’en est pas une puisque sont également utilisés comme médiums le plexiglas, l’aluminium, le bois, le tissu, le miroir chacun gardant ses propriétés plastiques. Ces formes sont comme des rappels ou des détails de l’histoire de l’art moderne et contemporain. D’abord les sources de Jacques Morhaïm : la rigueur de Piet Mondrian, le carré de Kasimir Malevitch, repris comme un hommage puis déstabilisé. D’autres suggèrent les rayures de Daniel Buren, la gestualité des Expressionnistes abstraits, les matériaux de l’art minimal, mais aussi des rappels de sa propre peinture. Tout semble mêlé, emmêlé mais comme indispensable cependant à l’élaboration de son œuvre. Il en ressort un dialogue polémique entre les formes, une indécision et, en même temps un optimisme dans ce foisonnement, comme un débat ouvert, inachevé. Car la difficulté qui se pose à Jacques Morhaïm est comment peindre tout en assumant ces références de l’histoire de la peinture. Il choisit de les mettre à plat, de les revendiquer avant de continuer.